PA NEGRE

Le film d’Agusti Villaronga vient d’être récompensé par plusieurs Goya. Belle consécration, la plus prestigieuse du cinéma espagnol, pour un film en langue catalane ! L’intérêt qu’il a suscité dans tout le pays démontre une fois de plus que les blessures de la guerre civile tardent à se refermer, et que le cinéma est un puissant moyen pour en explorer les ravages. Le réalisateur a choisi le regard d’un enfant, confronté à une violence extrême, aux mensonges et aux dissimulations des adultes, à commencer par ceux des parents. Qu’elle était pauvre, cette campagne catalane, durement maintenue dans son arriération par les riches propriétaires et une Eglise catholique rangée sans état d’âme du côté des vainqueurs franquistes ! Le film a l’extrême noirceur d’un monde misérable que la lumière de l’été ne parvient pas à rendre plus supportable. Que peuvent faire les enfants pour échapper à cette barbarie qui risque de les emporter à leur tour ? Se réfugier dans un monde de légendes et de superstitions ? Ou au contraire fuir ces adultes qui ne retrouveront jamais équilibre et sérénité ? Andreu (émouvant Fransesc Colomer) hésite, se cherche sur un chemin chaotique, se réfugie dans un monde imaginaire, peuplé de forces maléfiques censées expliquer le mal qui ne cesse de grandir autour de lui. C’est dans cette recherche de l’enfant que le film est le plus convaincant, ses peurs et ses angoisses générant une atmosphère qui n’est pas sans rappeler celle du Labyrinthe de Pan (Guillermo Del Toro). Atmosphère qui se traduit par quelques belles trouvailles de mise en scène. Dommage que dans la partie plus vériste, le dialogue devienne si envahissant et comme figé dans une certaine raideur idéologique ! La gravité du sujet aurait pu s’exprimer avec un peu plus de légèreté.