Chasseur de prédateurs aide une agente débutante du FBI à résoudre un meurtre mystérieux dans la réserve indienne sans lois de Wind River et se retrouve confronté à son passé traumatique.
Connu comme scénariste (Sicario, Comancheria), Taylor Sheridan réussit remarquablement son passage derrière la caméra. L’enquête policière pourrait être relativement banale si elle ne s’effectuait au ralenti, laissant la part belle aux dialogues qui sont à la mesure des personnages, à qui la vie n’a pas fait de cadeau. Le réalisateur prend son temps pour créer une atmosphère angoissante, entretenue par ces immenses paysages de neige où les hommes se perdent, dans tous les sens du terme.
Au premier plan, Cory Lambert, le pisteur, interprété avec une remarquable sobriété par Jeremy Renner, seul avec un terrible sentiment de culpabilité depuis la mort de sa fille, qu’il aurait pu(dû) éviter. Les paysages sauvages de cette réserve d’Indiens isolée à la frontière canadienne (au Wyoming) accentuent cette solitude et, surtout, ce sentiment d’abandon qui marque les habitants, citoyens américains de seconde zone, désœuvrés, ravagés par l’alcool et la drogue, en proie au racisme des blancs à peine mieux lotis qu’eux, paumés dans un milieu qu’ils ressentent comme hostile. Les paysages sont bien plus qu’un décor, par ailleurs très photogénique, ils participent au(x) drame(s).
Pas de happy end, la violence passe sur la réserve sans épargner rien ni personne. Le dénouement, ce sera le retour à peine perturbé par les drames d’un sentiment d’abandon. Les survivants retourneront à leurs chagrins que personne ne réussira à éteindre. L’aurions-nous oublié, voilà qui nous rappelle que le rêve américain s’est en grande partie bâti sur la spoliation des terres et la destruction d’une civilisation trop proche de la nature pour ne pas être reléguée à la marge.
Taylor Sheridan réussit à faire passer ce message sans nuire à l’intrigue, dont on remarquera seulement qu’elle faiblit dans la deuxième partie pour rejoindre les sentiers plus conventionnels du polar. Un peu dommage mais rien de grave !! Wind River a été salué à Cannes par le Prix de la mise en scène. Ce qui met une fois encore en évidence ce cinéma indépendant américain décidemment bien vivace dans sa diversité.